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RENCONTRE AVEC : XAVIER THURSTON, un créateur amoureux du vêtement

Après avoir shooté quelques pièces de sa collection (photos ci-dessous) avec le modèle CHARLES ALEXANDER et en compagnie de l’ami et styliste STIMPS KWAMS, nous nous installons à la terrasse d’un café avec le créateur XAVIER THURSTON. Une fois la commande passée la discussion est franche, comme elle se doit de l’être entre tous bons passionnés. Les questions s’enchainent, SUPERBE est aux manettes. RENCONTRE AVEC…

.. XAVIER (THURSTON) ! Comment vas-tu ? Peux-tu te présenter aux lecteurs de SUPERBE qui ne te connaîtraient pas ?

Je m’appelle XAVIER THURSTON, mais je travaille sous le pseudonyme de DIRK.ASSTRONAUT, j’ai 23 ans, j’ai terminé mes études en école de mode et je me lance maintenant dans la communication. J’ai eu un Bachelor en « Fashion design » à Paris College Of Art, j’ai suivi le programme « Intensive Brand Management » à Istituto Marangoni en management de marques et je suis actuellement en Master en communication « Fashion promotion, communication & média » à Istituto Marangoni .

Pourquoi t’être lancé dans la mode ?

C’est principalement dû au fait que je ne trouvais pas forcément ce qui me plaisait sur le marché. J’appréciais une pièce mais un détail ou deux, faisaient que je ne l’achetais pas etc… Donc j’ai décidé de créer ce que je ne trouvais pas sur le marché en réaction à un certain manque.

Peux-tu nous expliquer ton processus créatif ?

Je me considère comme un designer social. Que ce soit dans la mode ou dans la société en général, j’ai toujours mon mot à dire, peu importe le sujet. Par exemple, après mon bachelor, j’ai voulu me lancer dans l’achat, mais après avoir travaillé avec différentes marques, j’ai vu comme le besoin d’argent corrompt le processus créatif, j’ai donc préféré partir sur de la communication. Je continue donc à créer, mais mon objectif n’est pas de créer une marque en tant telle. Pour tout te dire, j’ai commencé mes études en pensant aimer la mode, et j’en suis ressorti en aimant le vêtement. Le milieu est complètement pourri, je préfère me concentrer sur le côté artistique/conceptuel. D’ailleurs, tous les designers que j’apprécie sont tournés vers le conceptuel, comme peut le faire MARTIN MARGIELA , car ce qui m’intéresse c’est le message derrière la pièce, bien plus que la pièce en elle-même, comme on peut le voir dans la dernière collection VETEMENTS, un pull extrêmement oversize porte au dos l’inscription « Unskinny » . Le message transmis par la pièce est beaucoup plus important que des vestes magnifiquement confectionnées! J’aime également jouer avec la manière dont le vêtement est censé être porté, le détourner, et donc interroger.

Oui, on peut le voir avec la veste de ta dernière collection !

Oui, c’est une collaboration que j’ai réalisé avec la boutique CEREALISTE, avec un travail autour du concept de la pop-culture. J’ai voulu réinterpréter cette veste incontournable du vestiaire et en faire quelque chose de plus grunge, plus dark, avec une coupe différente. Cette collection s’appelle « pop_metal » avec toujours cette volonté artistique qui me caractérise. Mon inspiration est venue du lieu (CEREALISTE) en association avec mon univers, avec des pièces pensées spécifiquement pour le lieu et l’événement. Je suis donc parti sur ce côté séparé puis retravaillé, avec le mélange du street sur un vestiaire classique. D’ailleurs, la mode revient au boom des friperies, avec des pièces retravaillées, comme pouvaient le faire dans les années 80-90, MARTIN MARGIELA ou  REI KAWAKUBO avec COMME DES GARCON! C’est un côté très conceptuel de la mode. On est loin de la suprématie de NYC et du mainstream. C’est une contre-culture.

Pour toi, il y a un vrai rapprochement entre les maisons de luxe et le streetwear ?

La mode d’aujourd’hui est beaucoup plus axée sur le streetwear. J’ai fait ma thèse de fin d’année sur cette idée ! Les marques de luxe se sont toujours inspirées du bas de l’échelle pour créer et on arrive dans une ère des jeunes sont prêts à mettre 300 voir 400 euros par semaine dans du streetwear. Les marques de luxe l’ont bien sûr constaté et ont donc commencé à proposer des pièces beaucoup plus jeunes (jeans, sweat-shirts etc…). Toutes ces marques font désormais des sweat-shirts imprimés (SAINT-LAURENT, GUCCI, VERSACE…), développent énormément de basiques et c’est ce qui fait vendre. Mais en voyant des marques comme GUCCI qui vend des kimonos à 35000 euros, je pense que de petites marques vont prendre du pouvoir très rapidement. Chez VETEMENTS, il y a 3 ans, un pull coûtait 300 euros alors qu’actuellement ils les vendent à 1200 euros. Ce n’est pas tant une image de qualité qu’un réel positionnement. Les marques de luxe vont tellement toujours plus haut, que pour nous les jeunes, à défaut de ne plus être accessibles, nous créons les nôtres ! 

Est-ce lié au nom de ton concept « Trust The Youth » ?

A la base, sur mes premières cartes de visite, il y avait juste mon nom, mon numéro de téléphone et ce message « Trust The Youth ». Alors quand j’ai lancé ce projet, je l’ai intitulé « Trust The Youth » car je trouve qu’il y a un vrai manque de renouvellement dans la mode. Lorsque l’on voit des marques que l’on considère nouvelles comme OFF WHITE, alors que VIRGIL ABLOH est dans le marché depuis très longtemps, ou encore DEMNA GVASALIA
 dont on a l impression qu’il sort de nulle part alors qu’il a travaillé chez MARGIELA pendant des années et même chez LOUIS VUITTON… Il n’y pas tant de renouvellement. C’est un jeu d’échec. C’est une mafia ! RICCARDO TISCI n’est plus chez GIVENCHY, demain il sera ailleurs. Pour moi le renouvellement est dans la jeunesse, il faut donc donner plus d’attention aux jeunes créateurs.!

SUPERBE est un média lifestyle spécialisé dans le savoir-faire français. Qu’aimes-tu dans la mode à Paris et en France ?


C’est une question compliquée ! 
On parlait de VETEMENTS tout à l’heure. Pour moi, ils ont apporté quelque chose de vraiment nouveau à la mode française, car la mode à Paris est trop sérieuse. Elle est trop catégorisée. On a d’ailleurs la Couture et la Haute Couture. Toute la mode française est axée sur le savoir-faire, alors quand une marque comme Vêtements prend beaucoup d’ampleur dans l’hexagone en proposant quelque chose de beaucoup plus conceptuel, il y a un espoir!

Pour moi la mode ne doit pas être aussi sérieuse, elle a toujours été trop convenue. Un autre très bon exemple est le développement de la marque PIGALLE ! Je suis plus intéressé par cela que par la réussite des grandes maisons.

Et qu’as-tu constaté en France récemment ?

Beaucoup de marques de luxe s’axent sur le streetwear avec des pulls « classiques » qui peuvent coûter 600 euros. Beaucoup d’autres marques remarquent cela et se disent «  Pourquoi pas moi ? » . Elles augmentent alors leur prix, et donnent l’impression aux jeunes qui développent leurs marques que c’est très simple. C’est cette image que les médias diffusent. Quand on voit l’impact des magazines comme Hypebeast ou HighsNobiety sur la mode aujourd’hui, qui sont plus lus que certains Vogue, on a de quoi se poser des questions. Il devient très difficile de caractériser la mode française aujourd’hui car elle tend de plus en plus à reproduire ce qu’elle voit et ce qui se fait à l’international.

Est-ce que tu es en train de dire que la mode française manquerait d’identité ?

Chez beaucoup de marques il y a un réel manque d’identité. Le problème bien souvent, est qu’elle perdure avec la même identité depuis trop longtemps et cela devient anecdotique, à part Chanel, qui selon moi reste la meilleure marque en terme de communication sur son héritage. C’est ce qui cloche avec les marques françaises. Elles essayent trop souvent de garder un héritage perdu qui n’est plus cohérent avec l’air du temps. 

Une autre chose me chagrine, c’est cette idée véhiculée par les médias, que la mode est quelque chose de simple. Que réaliser quelques imprimés sur des tee-shirt, c’est être designer. Non ce n’est pas ça être designer !

Derniers mots ?

Peu importe le côté académique, le véritable intérêt est le développement de soi. C’est ce qu’il y a de plus important. Le développement d’un projet est beaucoup plus intéressant que son aboutissement. A Paris, beaucoup de jeunes aujourd’hui, se prennent pour des gens qu’ils ne sont pas ! Moi je ne suis personne, et le fait de le savoir, m’aide à me développer et à aller de plus en plus loin. Ce qui est important c’est ce que tu fais, pas qui tu connais. 

Propos recueillis par I.Y.

Stylisme @StimpsKwams.

Crédit photos @SUPERBE.

XAVIER THURSTON #CESTSUPERBE