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RENCONTRE AVEC : C.SEN « Maintenant, j’écris pour les gens qui m’écoutent en attachant d’avantage de sens à ce que j’ai vraiment envie de dire. »

Véritable passionné et baroudeur urbain, C.SEN connaît sa culture sur le bout des doigts et la vit à plein poumon. Après la sortie de CORRESPONDANCE son premier album en 2010 et de TUNNEL son deuxième album en 2012, le rappeur du XVIIIème arrondissement de Paris revient avec un dernier album intitulé VERTIGES. Une claque sonore qui sonne bon le rap de ceux qui l’ont compris et digéré. C.SEN vient de délivrer une oeuvre majeure du rap français. RENCONTRE AVEC…

C.SEN, comment vas-tu ? Pourrais-tu te présenter aux lecteurs de SUPERBE MEDIA qui ne te connaîtraient pas ?

Je vais très bien ! Je suis un rappeur et je sors mon troisième album aujourd’hui. Je viens du graffiti avec lequel j’ai grandi depuis que j’ai onze ans. Si vous allez chercher C.SEN sur le net, vous allez vite comprendre qui je suis !

Pour commencer, d’où sort ton blaze ?

Je taguais SEN.C à l’époque et j’ai inversé les lettres pour ne pas être grillé car lorsque j’ai commencé à rapper je faisais beaucoup de graffiti illégal. Mais pour être honnête, je n’ai pas pu m’empêcher de graffer des C.SEN, donc au final ma démarche n’était pas très constructive.

Quelles sont tes premières approches de la culture hip-hop ?

Le graffiti. Le moment où j’ai commencé le graffiti était une déferlante hip-hop dans laquelle tout le monde essayait un peu tout ! La danse je n’étais pas doué mais le graffiti m’a réellement passionné donc j’ai foncé. Je faisais également un peu de rap mais je m’y suis mis sérieusement vers mes 18 ans quand tout le monde en faisait autour de moi. Mais à l’inverse des autres, moi j’ai continué. Comme dans le graffiti: quand j’ai commencé tout le monde en faisait, mais moi j’ai continué et dans le rap quand j’ai commencé tout le monde en faisait, mais moi j’ai continué.

Tu graffes depuis longtemps. Qu’est ce que tu aimes dans le graffiti ?

Petit, c’est un monde qui m’a fasciné, car il fallait en découvrir tous les codes, les personnages, les ennemis etc… Un jeu à taille humaine dans de grandes villes. Ensuite, il fallait trouver les différents chemins pour aller faire son graffiti : Ouvrir un paquet de portes, trouver la bonne trappe pour aller dans les tunnels des métros pour peindre des trains etc… Tu crois toujours que c’est impossible d’arriver dans certains endroits, mais en réalité il y a toujours un chemin. Trouver ce chemin est parfois encore plus kiffant que simplement le fait de peindre. Lorsque j’ai commencé, j’habitais dans un environnement très gris et je me suis pris des peintures magnifiques à des endroits dégueulasses en pleine gueule. Elle rendait le décor beaucoup plus beau, plus intéressant, plus riche etc…

Comment et pourquoi es-tu passé du graffiti au rap ?

J’ai toujours bien aimé écrire et comme tout le monde rappait autour de moi, je me suis à écrire des couplets. Au début c’était un seul couplet pour représenter mais j’ai vite eu envie d’en écrire plein. Ensuite j’ai souhaité devenir bon et je trainais tout le temps avec des rappeurs. J’étais donc dans une émulation permanente. Ça m’est resté et je me suis accroché à ça.

Quelles sont tes premières influences rap ?

PUBLIC ENNEMY, RUN DMC et toute l’époque NTM au début des années 90. J’ai foncé dans la culture hip-hop quand j’avais 11 ans lorsque j’étais en 6ème. J’étais tout petit mais j’écoutais des trucs de mecs plus vieux.

Quelles sont les évolutions de ton rap depuis tes débuts ?

Pendant très longtemps, je faisais du rap pour les rappeurs. Tout comme je faisais du graffiti pour les graffeurs. Donc ce qui a le plus changé, c’est que maintenant j’écris pour les gens qui m’écoutent en attachant d’avantage de sens à ce que j’ai vraiment envie de dire. J’ai compris qu’il y avait des gens qui m’écoutaient, j’ai donc pris conscience qu’il fallait que je m’adresse à eux de manière intelligible, logique, belle et les respecter en leur donnant ce que j’ai de mieux !

Comment te places-tu dans le rap actuel ?

Je suis en plein dedans. Les gens disent que je suis un rappeur atypique, mais je connais tout. Je sais exactement ce qu’il se passe et en quoi les artistes sont bons ou mauvais…

Quels sont les artistes rap dont tu te sens le plus éloigné artistiquement mais qui t’intéressent le plus ?

FREEZE CORLEONE, qui a un univers riche et dingue. BADJER et TIMAL, avec un rap de rue et de terrain qui amène vraiment quelque chose. NINHO, également, à ses débuts a vraiment apporté quelque chose.

Sur cet album, les rythmiques sont modernes et toutes produites par KENO. Peux-tu nous expliquer vos choix artistiques ?

Mon travail artistique a été essentiellement de choisir les prod’. C’est le premier projet de KENO qu’il a d’ailleurs fait en entier. Il est arrivé avec un énorme stock de prod’, qu’il avait fait pour lui dans son coin, avec ses tripes, en faisant vraiment ce qu’il aimait ! Ça faisait longtemps que je cherchais une direction musicale et que je ne la trouvais pas même si j’ai rencontré des gens qui faisaient des trucs mortels. Lui est arrivé comme un miracle ! Comme un oasis dans le désert ! J’ai du écouter entre trente et quarante prods d’un coup et je les voulais toutes. C’est une chance ! Si tu as la possibilité de travailler avec un mec qui te met une telle tarte quand tu écoutes son travail et qui est en également mortel humainement, il faut foncer. C’est un luxe et je n’avais pas le droit de passer à côté !

Vous êtes-vous servis de samples ?

Il y avait des prod’ avec des samples, oui. Quelques fois on a gardé uniquement l’humeur du sample pour dégager la même ambiance que la prod’ originale. Par exemple sur INSPIRE, la prod’ de base n’était pas la même. En la retravaillant et en cherchant autre chose dans la même couleur que l’original, on a poussé le morceau encore plus loin.

En terme de flow, tu nous disais que ça avait loin d’être aussi évident. Peux tu nous expliquer cela ?

Mon rap à la base vient des mots. Avant j’en mettais tellement partout que je pouvais retomber sur mes pattes à n’importe quel endroit sur le beat. Ça a fait mon style qui vient de l’époque où je rappais tout le temps avec des rappeurs. J’ai longtemps fait ça. Quand tu écoutes mes précédents titres, tu peux trouver ça hyper technique, alors que pour moi c’est plus facile que ce que j’ai fait sur ce dernier album. Sur ce dernier, j’ai vraiment travaillé mes placements, les respirations etc… Pour que tout est l’air logique. Ça a été beaucoup plus de boulot pour moi que si j’avais travaillé simplement en kickant.

Quels sujets te sont chers avec dans ce dernier album « VERTIGES » ?

Ce qui est important pour moi sur VERTIGES, est de parler de choses vraies et donc forcement souvent dures, en les rendant belles. Je n’ai pas mis un seul nom de personnes que je n’aimais pas. J’ai souhaité que VERTIGES ouvre des portes.

Le choix du featuring avec GREMS sur le titre « BON VIVANT » est plutôt logique. Comment s’est fait ce choix ? Est-il également un partenaire de jeux dans le graffiti ?

Non, nous n’avons jamais graffé ensemble. GREMS est venu vers moi il y a quelques temps, ce qui m’avait fait plaisir, car je suivais ce qu’il faisait et j’aimais beaucoup. Ensuite nous nous sommes rencontrés et notre choix n’a pas été de faire un morceau de niche sur le graffiti, mais plutôt un morceau sur lequel on ouvre sur le quotidien, le voyage, la vie…

Peux-tu nous parler de ton titre « VIENS » en featuring avec GEORGIO ? Pourquoi le choix de cet artiste ?

Je connais GEORGIO depuis qu’il est très jeune car on habite au même endroit. Il m’avait invité sur son premier album pour faire un morceau sur le XVIII ème arrondissement, alors j’étais content de l’inviter à mon tour et qu’il réponde présent. On s’entend très bien, on a fait plein de dates ensemble. Sur le morceau, on a trouvé le thème du voyage en l’exploitant de façon très élargi. C’est un des premiers morceaux  fait sur l’album et en écoutant la totalité de VERTIGES, je trouve que ce titre tient vraiment bien.

A l’écoute de cet album, la nouvelle génération pourrait appeler ça du « Old School ». Que répondrais-tu à cette remarque ?

Je ne trouve pas du tout. Ne serait-ce que musicalement. Pour moi la « Old School » c’est super vieux alors si pour la nouvelle génération la « Old School », c’est TIME BOMB, LUNATIC etc… Ça ne ressemble pas du tout à ça ! Donc non. C’est un truc de maintenant. Effectivement j’ai pas 20 piges, mais quand j’étais jeune, les rebelles de la musique pouvaient avoir plus de 30 ans.

Le rap français et plus largement la culture hip-hop a du mal à se voir vieillir. La première génération ne trouve pas une réelle légitimité aux yeux du grand public alors qu’elle a posé les fondations de cette culture en France. Es-tu d’accord avec ça ? Et si oui pourquoi ?

Non, je trouve qu’elle s’est implantée. Il n’y a plus que ça ! NTM vient de remplir 3 soirs de suite à Bercy ! Toutes les générations sont bien représentées. Je ne trouve pas qu’elle a du mal à vieillir. 

Sur ton dernier titre,  tu « Big-Up » OLIVIER CACHIN, avec « Je regardais la Rap Line et j’suis encensé par CACHIN » . Qu’est-ce que cela te fait d’être chroniqué par lui ? Egalement de te dire que tu es dans cette culture depuis Rap Line ?

Ca fait énormément plaisir car il a une culture incroyable. Et puis il a exactement la même tête que lorsque je le regardais à la télé à l’époque, donc la Madeleine de Proust est réellement là ! Il était là au tout début à la pointe du rap et il est toujours là, et sait tout ce qu’il s’y passe. Il vit son époque. Après le hip-hop c’est ma vie, donc être la depuis Rap Line, ça ne me fait rien. Je peux mourir demain, donc je vis mon temps autant que je peux !

Quelles sont tes 3 marques de sapes françaises préférées ?

Je dirais deux : ISAKIN PARIS et LACOSTE.

En quoi C.SEN #CESTSUPERBE ?

Parce que ça transforme un quotidien dégueulasse en quelque chose de très beau.

Derniers mots ? Un message ?

Ecoutez mon album, il est mortel !

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Propos recueillis par @Hector Sudry Le Dû.

Crédit photos : @HarfeVisual

Crédit vidéo : @HarfeVisual.

C.SEN VERTIGES #CESTSUPERBE